Fantasia chez les ploucs by Williams (Charles)

Auteur:Williams (Charles) [Williams Charles]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Humour, Policier
Publié: 2011-09-14T12:05:29+00:00

10

C’est seulement quand on est arrivés tout près de la maison que je me suis rappelé qu’on avait pas porté le linge sale à la blanchisseuse. J’le dis à Pop en le voyant descendre de l’auto :

— Nom de nom ! mais c’est vrai. Complètement oublié. Eh ben ! on le portera demain, ou après-demain. Ça presse pas.

— Ça n’a pas servi à grand-chose, que vous ayez éprouvé la résistance des bocaux, je lui dis.

Mon oncle Sagamore secoue la tête :

— On ne peut plus se fier à rien de nos jours. Dans le temps, ils les faisaient plus solides.

— Tu vas en repréparer un autre envoi au gouvernement ?

Mon oncle Sagamore s’assied sur les marches de la véranda et ôte ses souliers pour se donner le temps de réfléchir :

— J’en sais trop rien. Dans deux ou trois jours, p’t-être bien. S’être donné tant de mal avec ces pots pour que les gars du shérif aillent s’amuser à les casser après, c’est décourageant.

— On devrait s’y mettre tout de suite, je lui dis, au lieu de perdre not’temps à ne rien faire. On pourrait commencer une autre fournée.

— Il ira loin, le gosse, Sam, il dit à Pop. Pas de danger que l’herbe lui pousse sous le pied, à celui-là.

Vers les cinq heures, je m’aperçois qu’ils ont encore une fois disparu ; ce qui m’arrange ; comme ça j’ai pas besoin de demander la permission pour aller nager. Je ne monte pas jusqu’à la roulotte ; je suis le bord du lac avec Sig Fride derrière moi qui fait sauver les crapauds. Ils font : « Geuk ! » et sautent dans l’eau parmi les nénuphars et on les revoit plus. On voit bien que Sig Fride pense qu’y sont dingos. Pas de danger qu’il mette les pattes dans l’eau, lui. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne sait pas ce que c’est, que ces bêtes-là. Vu qu’il est venu au monde et qu’il a été élevé dans un grand palace, là-bas à Acqueduct ; probable qu’il n’a seulement jamais vu un lac comme celui-ci.

Quand on arrive à notre petite plage, à la pointe, Miss Harrington n’est pas encore là. J’enlève mon pantalon, ma chemise, mais je garde mon caleçon et je m’assois sur une souche d’arbre pour l’attendre. C’est fou ce qu’il est joli, le lac, avec des plaques noires d’ombre, et lisse comme du verre. Je regarde vers l’autre bord et je me demande si j’arriverais à traverser tout seul. C’est aujourd’hui qu’on doit tenter le coup. Je regarde encore une fois, et finalement je me dis qu’il vaut mieux que je l’attende. Elle m’a dit cent fois de ne pas me risquer tout seul, tout au moins pas avant la fin de l’été.

Au bout d’une demi-heure, à peu près, elle s’amène. D’abord, Sig Fride se met à aboyer, et ensuite j’entends le petit bruit de ses sandales sur le sentier. Elle me sourit. Ce coup-ci, elle a une petite barboteuse bleue, des sandales d’argent et les ongles des pieds peints en rouge.

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